Entre la baisse des taux et la réduction des garanties, les fonds en euros peuvent faire perdre de l’argent. Et ce n’est pas théorique.
Par Eric Leroux
Une baisse de 1,38 % de la valeur du capital investi : c’est ce qui vient d’arriver en 2020 à des épargnants ayant investi dans un fonds en euros de la société Nortia. Ce n’est pas un fonds en euros comme les autres, car celui-ci est de type « euro-dynamique », c’est-à-dire investi en partie sur des actions, mais, dans un avenir assez proche, ce mouvement pourrait toucher d’autres fonds plus traditionnels.
L’explication est simple : les assureurs réduisent de plus en plus souvent leurs garanties, sans le crier sur les toits, et du fait de la poursuite d’une politique monétaire à taux bas leurs rendements s’effritent d’année en année. En 2020, ces compartiments que l’on qualifie encore de « sans risque » ont rapporté entre 1 % et 1,2 % en moyenne. Et nombre d’observateurs les voient descendre à 0,5 % ou moins (un niveau que certains ont déjà atteint en 2020, comme au Crédit mutuel Arkéa) à un horizon proche.
Rendement négatif
Il est par exemple de plus en plus fréquent, même si cela reste encore minoritaire, que les assureurs excluent les frais de gestion de leurs fonds en euros (de 0,5 % à 1 % par an, en général) de la garantie.
Autrement dit : si le rendement des fonds en euros devait tomber à zéro, les assurés continueraient à payer ces frais de gestion et verraient leur capital diminuer de 0,5 % à 1 % chaque année. « Nous pourrions effectivement avoir un rendement négatif », confirme Jean-François Garin, directeur général de Groupama Vie, qui fait partie de ces sociétés ayant exclu les frais de gestion de leur garantie.
Pour relativiser ce risque, il explique que Groupama ne promeut quasiment plus le fonds en euros seul, au profit d’allocations reposant en partie sur des supports en unités de compte sans garantie. Generali a adopté cette pratique depuis plusieurs années, et elle semble être monnaie courante dans les contrats lancés récemment, ou à l’occasion de modifications adoptées par des associations d’épargnants, lorsqu’elles sont souscriptrices du contrat et disposent du pouvoir de le modifier avec l’assureur, sans l’accord de leurs « adhérents ».
Certains assureurs vont encore plus loin : ils ont prévu des garanties limitées à 98 % du capital atteint (chez Spirica, par exemple), voire à 96 % (chez Apicil). Leur argument est simple : en réduisant leur garantie, ils peuvent plus facilement rechercher de la performance en diversifiant leurs portefeuilles sur des actifs plus risqués, pour lesquels la réglementation dite Solvabilité 2 leur impose d’immobiliser des capitaux propres importants.
La plupart de ces fonds continuent à servir des rendements positifs, et parfois supérieurs à la moyenne (1,65 %, par exemple, pour Spirica et son fonds en euros Nouvelle Génération). Mais il ne peut être exclu qu’en cas d’accident dans les actifs financiers ils voient eux aussi leurs rendements passer sous la barre du zéro.
Cette pratique n’est pas l’apanage d’une poignée de sociétés : la MACSF, longtemps réputée pour la performance de son fonds garanti, évoque cette piste de la réduction de la garantie à 98 % dans la dernière communication envoyée à ses sociétaires. Comme une manière de préparer les esprits à l’abandon de cette sécurité.
Budget de perte maximum
Pour l’instant, les rendements négatifs ne se trouvent que dans les fonds en euros-dynamiques de Nortia et sont justifiés par la tenue des marchés boursiers en 2020. « Dans ces fonds, explique Philippe Parguey, directeur général de Nortia, nous consacrons chaque début d’année une poche d’investissement significative aux actions. Avec la crise violente subie au printemps dernier, nous avons atteint notre budget de perte maximum et avons dû solder les positions jusqu’à la fin de l’année, sans pouvoir profiter du rebond qui a suivi. »
Selon lui, « cela ne remet pas en cause ce mécanisme, d’autant qu’il existe statistiquement plus de bonnes années boursières que de mauvaises ». Il relativise en outre ce résultat en estimant que, dans un avenir proche, des fonds traditionnels en euros pourraient eux aussi tomber sous 0 % si les taux restent bas. « Les assureurs doivent investir aujourd’hui dans des obligations à taux négatif, puis ils doivent déduire leurs frais de gestion, nécessaires pour faire fonctionner la compagnie », ajoute-t-il.
Une situation qui explique en partie l’appétit des assureurs pour renforcer leurs réserves de participation aux bénéfices, en ne distribuant pas tous les résultats immédiats de leurs compartiments garantis : ils se ménagent ainsi la possibilité de continuer à prélever leurs frais de gestion sans passer sous 0 %.
https://www.lemonde.fr/argent/article/2021/02/24/attention-perdre-de-l-argent-avec-un-fonds-en-euros-d-une-assurance-vie-cela-devient-possible_6071003_1657007.html
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