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Covid-19 : « Les capitalismes asiatiques ont su construire une forme de résilience face aux chocs m

thefunkyman

Sébastien Lechevalier

Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales/EHESS, Paris


L’économiste Sébastien Lechevalier explique, dans une tribune au « Monde », pourquoi les économies d’Asie orientale ont été moins affectées par la crise pandémique que celles de l’Union européenne.


Tribune. Même s’il est trop tôt pour analyser les conséquences économiques à moyen terme de la crise sanitaire, il est urgent de comprendre non seulement l’impact différencié de cette crise en Asie orientale et en Europe, mais aussi ce qu’elle révèle sur la structure des économies de ces deux régions. Il est surtout essentiel à ce stade de ne pas se tromper d’analyse, d’un point de vue européen.

D’une part, l’arbre chinois ne doit pas cacher la forêt asiatique dans sa diversité.

D’autre part, les lectures déclinistes qui mobilisent l’Asie orientale pour souligner les problèmes européens sont à proscrire car elles ne cherchent pas à approfondir les causes de cette différence. Dans ce contexte, il faut identifier les dynamiques socio-économiques sous-jacentes tout en mettant en perspective la crise actuelle.


Du point de vue des faits, le constat est assez simple. Cette pandémie, dont les premiers cas semblent avoir été observés en Asie, aura au total bien moins touché ce continent-là que l’Europe. Il n’est pas possible à ce jour de donner une explication définitive à pareille observation. Parmi les raisons plausibles, on ne peut pas exclure que les politiques publiques mises en œuvre face à la pandémie ainsi que le fonctionnement des systèmes de santé aient contribué à cette différence.


Des politiques diverses en Asie sur le Covid-19


Or, ces politiques ont été diverses en Asie et ne sont pas toutes passées par des contraintes majeures sur les libertés individuelles, loin s’en faut. Le cas de la Corée du Sud est particulièrement intéressant car les autorités ont pu éviter un confinement généralisé avant l’été 2020 par le recours à une stratégie de tests massifs couplée à l’isolement des cas détectés. La Corée du Sud n’avait pas plus de capacités de tests que la France, mais le gouvernement a réagi extrêmement rapidement dès la détection du premier cas et a su mobiliser l’ensemble du secteur de la santé au service de sa stratégie.


Le cas de Taïwan est assez comparable à celui de la Corée du Sud. Quant au Vietnam, il est sensiblement différent puisqu’il n’a pas disposé des mêmes capacités de tests ; les mesures introduites par le gouvernement vietnamien ont été plus coercitives, passant par des interdictions d’entrée sur le territoire ou de déplacement. Cependant, la forte réactivité des autorités vietnamiennes a permis d’éviter un confinement étendu à l’ensemble du territoire.


De façon générale, une caractéristique commune aux pays d’Asie orientale est que le recours au confinement strict a été localisé dans le temps et dans l’espace, avec un meilleur suivi des malades. Dans tous les cas, l’économie a été mieux préservée, sans que les impératifs sanitaires soient pour autant sacrifiés. Les pays asiatiques ont ainsi dépassé le dilemme qui a tant occupé les gouvernements européens.


Des capitalismes asiatiques construits sur la résilience


Quid des performances économiques dans ce contexte ? A court terme, la différence économique est assez claire. Au total, suivant les dernières estimations publiques du Fonds monétaire international (FMI), la croissance du PIB en Asie orientale devrait être, environ, de – 2 % en 2020 et de + 7 % en 2021 contre (respectivement) environ – 7 % et + 5 % pour l’Union européenne, pour peu que la situation s’améliore avec la vaccination.


On ne peut cependant pas s’arrêter à ce type d’analyse conjoncturelle. Car le plus important se trouve d’un point de vue structurel et historique : les capitalismes asiatiques ont su construire une forme de résilience face aux chocs mondiaux et apparaissent aujourd’hui moins vulnérables que les capitalismes européens.


Ainsi, les économies d’Asie orientale ont été beaucoup moins touchées que celles de l’Union européenne par la crise de 2008-2009, née aux Etats-Unis, alors que les canaux de transmission financiers et commerciaux pouvaient laisser craindre le pire. La vulnérabilité moindre face aux grandes crises mondiales qui rythment depuis plus de trente ans la vie économique est ainsi confirmée avec la pandémie actuelle.

Une démarche différente face à la crise


Or, l’enjeu est de taille, car le principal risque aujourd’hui pour les économies est de ne pas être encore sorties de la crise précédente avant que la prochaine crise ne survienne. Comment expliquer cette nouvelle résilience des capitalismes asiatiques face aux crises ? Les recherches les plus récentes dans ce domaine ont mis en avant deux raisons principales.


D’une part, en se tenant à distance à la fois du protectionnisme et du libre-échange sans limites, les politiques publiques en Asie orientale ont, depuis vingt-cinq ans, explicitement visé à réduire l’impact des chocs globaux sur les économies domestiques dans les sphères financière (grâce, essentiellement, à un contrôle partiel des capitaux et à des régimes de change flexibles) et réelle (grâce à une plus grande maîtrise des chaînes de valeur et à un rééquilibrage du modèle de croissance en faveur de l’économie domestique, notamment).


D’autre part, étant donné qu’il n’est pas possible d’avoir la main sur lesdits canaux de transmission des chocs, les politiques publiques ont visé à réduire les contradictions entre les dynamiques économiques au service de la compétitivité et de la productivité et les demandes sociales en matière de protection et de bien-être.


Un exemple à méditer pour l’Europe


Ainsi, les systèmes de protection sociale se sont développés dans différentes dimensions (santé, retraite et chômage notamment) tandis que de nouveaux équilibres étaient trouvés entre la famille, l’Etat et les associations pour tout ce qui concerne le care (ainsi en va-t-il des soins pour les personnes âgées et les personnes dépendantes ou de ce qui concerne la garde d’enfants en bas âge, par exemple).


Certes il n’existe pas de modèle unique en Asie orientale. Ainsi Taiwan et la Malaisie sont-ils parvenus à mieux maîtriser les chaînes globales de valeur, alors que le Vietnam ou la Thaïlande restent relativement fragiles. De même le niveau de protection sociale en Corée du Sud n’est-il pas encore comparable à celui de Singapour ou du Japon, ce qui explique en partie la fragilité persistante de la société de ce pays, dont l’un des symboles est la forte augmentation du nombre de suicides (notamment chez les femmes) depuis le début de la pandémie.


Cependant, de façon générale, on peut considérer que les capitalismes asiatiques ont redécouvert, à leur façon, ce qui faisait la force des capitalismes européens, quand ces derniers ont partiellement ou plus radicalement remis en cause leur modèle socio-économique – ce qui est apparu sous une lumière crue dans le contexte de la crise sanitaire actuelle.


Autrement dit : l’impact différencié de la crise sanitaire en Europe et en Asie orientale a également des racines liées au modèle économique. Dans ce contexte, il est temps pour les gouvernements européens de prendre la mesure de ce qu’est devenue l’économie mondiale en ce premier quart du XXIe siècle et d’adapter leur stratégie pour rendre leur économie et leur société moins vulnérables. C’est peut-être également le moment de décider démocratiquement si les bénéfices de la mondialisation libérale sont supérieurs à ses coûts et d’en tirer toutes les conséquences.


Sébastien Lechevalier est l’auteur de nombreux articles et ouvrages sur les capitalismes asiatiques.


https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/16/covid-19-les-capitalismes-asiatiques-ont-su-construire-une-forme-de-resilience-face-aux-chocs-mondiaux_6070086_3232.html

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